Le critique d’art Zoé (Zouhir Zighighi)
Mohammed Amine Benyoussef
Au théâtre Med V du 6 au 15 mars 2012
Que dire de Mohammed Amine Benyoussef ? L’homme que je viens de faire sa connaissance dans des circonstances purement hasardeuses. Plutôt parler de son œuvre ; de ce jardin luxurieux qui vous communique l’ultime sensation de jouissance sensorielle ; de cette force imaginale longtemps assoupie sous le poids écrasant du quotidien, mais qui se fertilise patiemment dans les nervures d’une créativité incessante, car le peintre ne s’est pas trop éloigné. Il était juste là, à côté, dans le graphisme publicitaire le temps d’un gagne pain, le temps d’un répit et d’une trêve au milieu du calvaire qui guette les jeunes peintres marocains dans les rouages d’un marché de l’art sans merci.
Laissons cela ! Pensons plutôt à ce jardin fleuri qui ravit notre regard et notre esprit avides de verdure et de fraîcheur, notre imagination mériterait mieux, décida pour nous le peintre ! Mieux encore, l’homme poussa sa réflexion plastique jusqu’aux limites du langage en nous plongeant d’emblée dans une euphorie linguistique incomparable avec des titres comme : « Gaieté en couleurs, Senteur de vie, Symphonie florale, Printemps, Tendances florale, Richesse, Luxueux… » Un champ lexical qui installent une ambiance typiquement végétale et enchantée. Voici une inquisition verbale opportune et pertinente qui ne courrait plus le risque d’une illustration logographique directe et défaillante !
Les couleurs sont à nous ravir : touche après touche, le peintre semble porter un défi en lui : un pari de ne rien laisser dans sa toile que la végétation sardanapalesque ne l’investisse. Les fleurs envahissent l’espace vital des compositions l’assimilant ainsi à des grands intervalles champêtres où, l’esprit libéré et rendu à lui-même, respire la grande nature et se meut librement jusqu’aux limites des toiles saturées. Cette envie de fleurir l’espace plastique, le cadre et les marges de la scène picturale communique une grande nostalgie des jardins d’Eden, du paradis tel le titre de la dernière pièce du catalogue : Nostalgie. S’agit-il d’un désir inassouvi de verdure ou, d’une inspiration florale ou d’une aspiration préméditée de vouloir forcer l’espace de création à fleurir au dessus du drame humain.
Mohammed Amine Benyoussef est un botaniste égaré, imprégné de mille couleurs! En fait, les fleurs ont épuisé toutes les formes et toutes les couleurs qui puissent exister dans ce monde que juste une quelconque touche chromatique pourrait réveiller en nous le souvenir d’une fleur locale ou exotique. Ainsi, le peintre prend soin pour notre grand plaisir des éléments naturels les plus beaux et les plus raffinés que la sensibilité humaine n’est jamais connue. Il cultive à notre grand bonheur des fleurs épanouies à coups de pinceaux et de couches chromatiques épaisses, usant des couleurs chaudes, froides et de certaines formes contemporaines bercées dans un impressionnisme actualisé.
Benyoussef ne confond plus les types de fleurs ni les synthétiseraient de façon expéditive sous leurs noms générique de rose ou de fleur. A force de s’adonner à cette passion, le peintre connait bien sa flore, son cycle naturel, son pollen séducteur, les abeilles amies, bref il connait le secret des fleurs qu’il nous livre bienveillamment en termes de touches, de traits, de formes et de couleurs.
La démarche du peintre renoue avec l’histoire de la peinture occidentale dans son époque impressionniste comme pour faire respecter à notre pratique picturale marocaine l’évolution progressive de la culture plastique universelle et celle des arts du visuel, en la faisant repenser son passage direct à l’air de l’abstraction. Or, son génie ne manqua plus d’occasion afin de marquer de son empreinte l’actualisation de ce désir de peindre l’impressionnisme, car le peintre est aussi préoccupé d’actualise sa façon de sentir les réalités florales qu’il met en scène en les dotant d’une sensibilité personnelle baignée dans soleil nord africain et de la convivialité de l’espace méditerranéen. En fait, ses fleurs ne sont plus importées ni exotiques, elles sont du terroir comme celles de « Gaieté en couleur » ressemblant à des « bel-amane » des coquelicots qui embellissent nos terres fertiles et nos rêves d’enfants, ou celle de « Géant » rappelant le tourne-au-sol de nos champs locaux.
La technique de l’acrylique utilisée varie souvent d’une toile à l’autre en fonctions de la dimension du tableau, de la lumière, de l’épaisseur des couches chromatiques et de quelques reliefs laissés sur les surfaces comme pour invoquer l’art de la gravure. Celui d’ « excitation chromatique » met à jour la pratique de Van Gogh. Les tons, chauds pour la plupart, sont emblème d’une envie de fertiliser les surfaces et faire fleurir tout espace possible. Ainsi, le peintre semble vaincre le mal, l’angoisse et le désespoir par la couleur vive de ses compositions plastiques. Mohammed Amine Benyoussef est un peintre de l’amour et l’espoir qui réuniront les hommes sous les couleurs d’un monde meilleur sans obscurité et sans drames. Que le message universel de rencontre pacifique et fructueuse entre les hommes de ce ballet de fleurs, de cette flore en fête puisse convier les passionnés de l’art à y venir massivement afin de contempler une nature vivante et active en mille et une émotions.
Le critique d’art Zoé (Zouhir Zighighi)